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Miryam Natanson (Mireille), à droite, à côté de sa cousine, Micheline Gross, dans l'enceinte du collège de Brive où elle était pensionnaire. Photo prise pendant l'année scolaire 1939-1940. Elle a 10 ans. C'était une bonne élève, assez mûre, sérieuse. |
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On la voit sur cette autre photo, déguisée, jouant à Brive avec une cousine et deux enfants de la famille Boussinesq, un professeur de lettres classiques qui fut plus tard déporté à Buchenwal, mais en revint. Ce professeur avait épousé une fille Chapelle. Madame Chapelle mère était une cliente de la librairie et une amie d'Aron Natanson. C'était la femme d'Henri Chapelle, maire "Front Populaire" de Brive. C'est d'ailleurs à Brive que devait se réfugier son frère Jacques (mon père) en 1940. |
En juin
1940, Aron
Natanson invite son fils, Jacques (mon père) à
quitter
Paris et à se réfugier à Brive, puis
à
Toulouse. Miryam, elle, qui était pourtant au
lycée de
Brive, rentrera à Paris. Elle se cachera dans des internats
catholiques de province, pendant l'année scolaire.
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Miryam est la seconde à partir de la gauche, au dernier rang |
Le frère d'Aron, Albert Natanson, était réfugié à Grenoble, en zone d'occupation italienne. Il pressait Aron de venir le rejoindre avec Mireille. Aron disait qu'il le ferait, mais ne se décidait pas à quitter ses livres.
Miryam Natanson fut
arrêtée
avec son père par la police française le 23 septembre 1942, dans
l'appartement de la
rue
des Feuillantines, en même temps que 1594 Juifs roumains de
la
région
parisienne. Les Juifs roumains avaient échappé
à
la
rafle du Vél'd'hiv' (16-17 juillet 1942) parce qu'ils
étaient
ressortissants d'un pays allié de l'Allemagne nazie. Mais le
24
septembre 1942, la Roumanie déclara se
désintéresser
du sort des Juifs roumains exilés et leur retira la
nationalité
roumaine. Devenus apatrides, ils purent être
déportés
aisément. C'est la 3ème section des
Renseignements
Généraux
qui effectua cette arrestation (Source : Archives de la
Préfecture
de Police).
On était à quelques jours de la
rentrée scolaire
(alors le 1er octobre, mais en 1942, le 1er octobre était un
jeudi).
Mireille se trouvait chez son père en attendant de se cacher
à
nouveau dans une école catholique. Le témoignage
de
Jeanne
E. le confirme :
Le contact téléphonique que j'ai eu avec cette dame en 1984 m'a mis extrêmement mal à l'aise. Madame E. insistait sur le fait que Mireille était "une bonne petite chrétienne". Cela conduit à se poser des questions sur l'ambiguïté de sa démarche. Elle voulait certes sauver une enfant et elle doit à ce titre être remerciée, mais son prosélytisme catholique la poussait aussi à "sauver une âme". Parlant d'un autre enfant qu'elle a élevé après la guerre, Jeanne E. définit sa trilogie de l'éducation :
Arrêtée en même temps
que son père, au 9 de la rue des Feuillantines, par la
police
française, Miryam fut conduite au camp de Drancy.
A l'arrivée
à Drancy, elle dut
donner tout ce qu'elle possédait à des hommes en
civil :
tous,
en file indienne, enfants compris, durent donner leurs papiers, leurs
menue monnaie et vider leurs poches.
Deux jours plus tard,
à 5 heures du
matin, Miryam et son père furent emmenés
à la gare
de Drancy-Le Bourget et déportés par le convoi
n°37 ,
le 25 septembre 1942.
Ce convoi
était en grande partie composé de Juifs roumains
(779 sur
1004 partants).
« Dans ces wagons de marchandises [...] prévus pour, je crois, quatorze chevaux [...], on a entassé soixante hommes, soixante personnes, hommes, femmes, enfants, vieillards, malades, bébés, nourrissons, y’ avait des nourrissons dans mon wagon. On nous a fait monter, les portes ont été cadenassées, l’aération ne se faisait qu’à travers de petits vasistas en hauteur, c’était l’aération pour les chevaux, bien entendu. Il y avait un bac vide, un genre de tonneau vide pour les besoins intimes et on nous a donné à chacun un pain, un morceau de saucisson et un morceau de margarine. Je dois vous dire que l’atmosphère qui régnait dans ce wagon, qui a commencé de régner depuis le 25 au matin - le train a quitté la gare du Bourget Drancy à 8 h 55 , je me souviens encore de l’heure, l’atmosphère qui a régné jusqu’au 28 à midi, c’est quelque chose qu’il est très difficile de décrire, des cris, cris des femmes, cris des malades et des nourrissons, la soif, fin septembre il faisait encore relativement chaud, la soif, l’ignorance, l’inquiétude, évidemment personne n’imaginait où nous allions, personne n’imaginait non plus ce que nous allions faire, personne n’imaginait non plus ce qu’on allait faire de nous... » Témoignage
de M. Herman Idelovici, survivant du convoi n°37,
Script intégral de son témoignage, Automne 42, CRDP de Nice |
Le convoi mit deux jours pour gagner Auschwitz.
Le 27 septembre 1942, 215 hommes furent sélectionnés pour le travail et 91 femmes qui reçurent les matricules 20913 à 21003. En raison de son âge (13 ans), il est plus que probable que Miryam Natanson ne fut pas sélectionnée pour le travail et fit partie des 873 personnes conduites à la chambre à gaz. Aucune des femmes de ce convoi n'était parmi les survivants, à la Libération.
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Aron Natanson |
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