![]() Serge Smulevic, photographié avec sa veste de déporté qu'il a conservée. Merci à lui pour l'aide importante qu'il m'a fournie pour réaliser cette page : sa mise en cause des documents et témoignages secoue un peu, mais stimule beaucoup. |
![]() Le costume de femmes qui viennent d'être sélectionnées pour le travail à Auschwitz et qui ont été rasées et tatouées. |
||
|
|||
Selon Primo
Lévi, dans Si c’est un homme,
de bonnes chaussures sont la deuxième condition de la survie
dans les
camps, après la capacité à comprendre
les ordres
vociférés en Allemand.
A Ebensee, kommando de
Mauthausen
«
La couche de neige atteignait 1,50 mètre de haut. Les
détenus travaillaient douze heures d'affilée dans
des
vêtements totalement inadéquats. Ils portaient des
socques
en bois à empeigne de toile, auxquels la neige
adhérait
à chaque pas, de sorte que la marche devenait presque
impossible. Ces chaussures inappropriées devenaient une
torture
permanente pour ceux qui les portaient. Le bois se fendait de plus en
plus profondément jusqu'à ne plus être
retenu que
par son empeigne de toile. Lorsque les socques tombaient
complètement en pièces, les détenus
devaient
marcher pieds nus. Il en découlait souvent des
abcès et
des infections. »Evelyn
Le Chêne, Mauthausen
ou la
comptabilité de l'horreur, Paris, Belfond, 1974.
|
Tenue d'un déporté qui travaillait dans le tunnel de Dora (1944) (photo prise par le photographe nazi Walter Frentz)On remarque :1 : D'abord, une bizarrerie : un bonnet, probablement un de ces bonnets que portaient les prisonniers de guerre anglais. Ce n'est évidemment pas le calot réglementaire. Il devrait être en toile rayée comme le reste de la tenue. Selon Serge Smulevic, « Jamais au grand jamais un déporté [à Auschwitz] n'aurait osé franchir le portail de sortie (ou d'entrée) d'un camp avec un bonnet pareil sur la tête. Il se serait pris 25 coups de nerf de boeuf avec facilité. » Voici, sur une autre photo prise à Dora, le calot habituel des déportés : ![]() 3 : un triangle rouge, suivi du matricule, sur une bande blanche cousue sur la veste et au-dessus de cette bande blanche du matricule, un autre triangle rouge, plus grand, avec la lettre F (Ce déporté est un politique français) 4 : le triangle et le matricule sont répétés sur la jambe du pantalon rayé, sur une bande blanche cousue 5 : on distingue une ficelle qui serre dans le bas la jambe du pantalon rayé. Voici comment Serge Smulevic, ancien déporté d'Auschwitz, explique cette ficelle : « En fait ce truc ça transformait notre pantalon en coffre-fort. Comme on n'avait pas de poches, on cachait dans notre pantalon tout ce qu'on ne voulait pas qu'on nous vole, comme du pain, des pommes de terre, tout ce qu'on voulait soustraire à la convoitise des autres et on nouait simplement le bas du pantalon pour que cela ne s'échappe pas. » . 6 : des sabots en bois, dans lesquelles le déporté a entortillé un tissu en guise de chaussettes. Témoignage de Serge Smulevic : « Ceux qui mettaient des morceaux de linge dans leurs godasses c'est qu'on leur avait volé leurs chaussettes et qu'ils ne voulaient pas s'écorcher les pieds. » Souliers,
chaussures à semelles de bois, sabots et galoches
Il arrivait que les déportés aient de
véritables chaussures aux pieds. « Organiser
» une
bonne paire de chaussures (c'est-à-dire se
débrouiller
pour s'en procurer une) était parfois indispensable pour
survivre. A
Auschwitz, les chaussures n'étaient pas rares à
cause de
la présence
d'un abondant "Canada"
alimenté en
chaussures par l'extermination des arrivants.Dans d'autres camps, on portait parfois des galoches ou claquettes dont la semelle seule était en bois et le dessus en cuir ou en un tissu, qui finissait par se déchirer. Certains déportés évoquent des "galoches" à semelle de bois. Ainsi Rudolf Vrba : « Ensuite, vinrent les vêtements, les tenues zébrées. Une veste, un pantalon, un couvre-chef déformé et des galoches. C'était bien sûr humiliant, mais moins que d'être nu et je les enfilai avec soulagement. » Rudolf Vrba évoque aussi le port de ces chaussures par les femmes slovaques qu'il croise à Auschwitz : « Leurs galoches soulevaient la poussière autour d'elles. Elles se traînaient vers nous, en haillons, têtes rasées, par-ci par-là quelques-unes avaient encore un reste de fierté et portaient de maigres fichus. » Rudolf
Vrba, Je me suis
évadé d'Auschwitz,
Ramsay, 1988
Le déporté Marcel Couradeau raconte sur son
arrivée à Oranienburg :![]() Diverses chaussures à semelle de bois, portées dans les camps, Musée du Struthof (Photo : David Servenay/RFI) « La distribution [de la tenue à l'arrivée au camp] se termine avec une paire de galoche en toile kaki et à semelle de bois toujours sans considération de taille, ce qui contraint à des échanges. Plus loin, décrivant la journée d'un déporté, le même évoque l'appel : « Tous les projecteurs sont allumés ; l'escadron des Blockführer S.S. est au complet. Un silence pesant succède au martellement des claquettes et des souliers sur le sol. » Amicale
d'Oranienburg-Sachsenhausen, Sachso, Terre Humaine,
Plon-Editions de Minuit, 1982
Et cet autre témoignage : « On nous fait rentrer dans cette salle, on nous donne une chemise, un caleçon, une paire de claquettes à semelle de bois avec une lanière ; nous les garderons tout notre temps de déportation. On
sort, on rejoint la place d’appel. Nous
nous retrouvons tous, mais on se sent seul car personne ne nous
reconnaît, on a changé, on est devenu des
monstres, un
regard… on part en quarantaine. » Pierre Laidet, Matricule 62 636 (Mauthausen, Melk, Ebensee) |
Sur la nourriture, voir aussi le témoignage de Robert Anthelme.
![]() |
![]() Deux
photos prises à Buchenwald,
après la libération, en avril 1945, montrent l'intérieur d'une baraque et l'entassement des déportés |
Voir aussi la page consacrée aux kapos.
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |