Comme je suis
heureux aujourd'hui à
Auschwitz. Ils
ont astiqué et illuminé les rails, adouci les
ressorts
des wagons pour
nous faire rouler agréablement vers Birkenau, et
cette
brume
aromatisée, c'est quand même mieux que le
zyklon. Quel plaisir de
venir aujourd'hui
à
Auschwitz - la Brûlante.
Et
tous ces chefs d'état rutilants,
pleins de grands sentiments, la bouche en coeur, le pardon à
la
bouche et la bouche mensongère. Les plus grands
représentants des pays
autrefois compromis dans les plus grands crimes, qui avaient
quand
même un peu froid, quand même un peu trop froid
pour aller
skier.
Mais
la vodka chaleureuse, les zakouskis bien
garnis, le thé chaud et parfumé leur donneront le
courage
de rester
stoïques devant les débris Auschwitziens
exposés
comme des reliques
précieuses.
Le
soir, ils iront se délasser dans les bras voluptueux des
Polonaises de Chopin après avoir engouffré
des
mets polonais riches en
pommes de terre et en
cornichons. C'est la bonne ville d'Auschwitz qui les
accueillera. Oublions les barbelés arrogants, les baraques
encore pleines
des odeurs d'antan et cachons vite ces fours crématoires. On
se
demande
bien ce qu'il font là ? Belle promenade s'il ne
faisait
pas si froid,
on essayera de venir à une autre saison. Ça
manque
seulement un peu de
musique ; faudra revoir ça. Ah tous ces bons violonistes
juifs
qui ont
disparu, ah tous ces bons cuisiniers juifs qui préparaient
si
bien les
beigels, ah tous ces bons cuisiniers juifs qui faisaient du si bon
tchoulent. Mais il est tard, faut fermer la boutique et aller dormir.
On
trouvera bien un hôtel avec des lits convenables... On n'est
quand même
pas venus ici pour dormir dans les lits du camp, non ? manquerait plus
que ça ?
Bon
demain retour au pays du bien-être et oublions
vite ces petites misères d'un pays qui se sent mal dans sa
peau.
Serge
Smulevic, 27 janvier 05
|
COLÈRE
Trop de monde, trop de foule, trop de houle Une commémoration Une célébration Ou une profanation ? Ils piétinent vos allées Visitent vos chambrées Ils s’indignent du froid Cachés dans leurs parkas De discours en chansons Prières œcuméniques Je cherche l’émotion Et j’en deviens cynique On parle de vestiges, des ruines des crématoires C’est tellement plus parlant que les livres d’histoire On parle d’indicible, de devoir de mémoire Ça ne ressemble à rien Qu’à une immense foire On embrase la rampe On gémit, presque on rampe On marche dans vos pas Mais on n’y était pas C’était un mausolée C’est devenu un musée Enfoui sous la poussière Des cendres de nos pères Fallait-il, pour ne pas oublier S’en souvenir Soixante ans après… Myriam
|
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |